Résumé

Comme un écrivain qui pense que « toute audace véritable vient de l’intérieur », Leïla Slimani n’aime pas sortir de chez elle, et préfère la solitude à la distraction. Pourquoi alors accepter cette proposition d’une nuit blanche à la pointe de la Douane, à Venise, dans les collections d’art de la Fondation Pinault, qui ne lui parlent guère ?

Autour de cette « impossibilité » d’un livre, avec un art subtil de digresser dans la nuit vénitienne, Leila Slimani nous parle d’elle, de l’enfermement, du mouvement, du voyage, de l’intimité, de l’identité, de l’entre-deux, entre Orient et Occident, où elle navigue et chaloupe, comme Venise à la pointe de la Douane, comme la cité sur pilotis vouée à la destruction et à la beauté, s’enrichissant et empruntant, silencieuse et raconteuse à la fois.

C’est une confession discrète, où l’auteure parle de son père jadis emprisonné, mais c’est une confession pudique, qui n’appuie jamais, légère, grave, toujours à sa juste place : « Écrire, c’est jouer avec le silence, c’est dire, de manière détournée, des secrets indicibles dans la vie réelle ». 

Le parfum des fleurs la nuit est aussi un livre, intense, éclairé de l’intérieur, sur la disparition du beau, et donc sur l’urgence d’en jouir, la splendeur de l’éphémère. Leila Slimani cite Duras : « Écrire, c’est ça aussi, sans doute, c’est effacer. Remplacer. » Au petit matin, l’auteure, réveillée et consciente, sort de l’édifice comme d’un rêve, et il ne reste plus rien de cette nuit que le parfum des fleurs. Et un livre. 

Mon ressenti

Il va m’être difficile de décrire ce que j’ai ressenti en lisant ce court récit. Trop long pour être une nouvelle, trop court pour en faire un roman. C’est une sorte d’essai philosophique sur sa propre vie que nous livre Leila Slimani.

Je ne connaissais cette autrice que de nom. Connue pour Une chanson douce, lauréate du Goncourt, je n’avais encore jamais rien lu d’elle. NetGalley et les éditions Stock m’en ont donné l’occasion, et je les remercie chaleureusement car c’est une découverte magnifique que j’ai faite.

Une écriture vibrante

J’ai aimé la jolie plume de Leila Slimani. Une plume poétique, forte et vibrante. Tout commence alors qu’elle nous explique combien il lui est parfois difficile de se mettre en condition d’écrire. Elle nous avoue être en plein naufrage littéraire, ne réussissant pas à se mettre en condition pour écrire comme elle le souhaite. Ecrivain solitaire, difficile de se couper du monde lorsqu’il faut aussi s’occuper de sa famille et de ses enfants.

Son éditrice lui propose alors une idée saugrenue. Passer une nuit seule dans un musée. Ce musée, c’est celui de Venise. Un musée d’art contemporain dans lequel Leila va se promener et digresser autour de ces oeuvres abstraites qui lui parlent peu. Certes, elle a du mal à comprendre les messages qu’ont voulu faire passer les artistes, mais cela ne l’empêche pas de lui faire penser à sa vie, sa famille, ses origines.

Je ne ferai pas à ces artistes de faux procès en imposture ou en escroquerie. Je ne peux prétendre émettre un jugement qui ait un réel intérêt. Et puis, je ne serais pas la première à me lancer sur cette pente-là. Quoi de plus banal que d’attaquer les oeuvres dites conceptuelles ? C’est peut-être idiot, c’est peut-être lié au fait que je suis écrivain et que tout livre est synonyme d’un combat, d’un temps long, d’un dépassement de soi, mais la simplicité de certaines oeuvres me désarçonne.

J’ai adoré lire son témoignage de femme issue d’une culture musulmane, dans un pays où les femmes étaient opprimées, sans liberté. Son témoignage de femme étrangère en France, et de femme française dans son pays d’origine. Une femme sans cesse en quête d’une identité, athée alors qu’elle a grandi dans un pays où la religion fait loi. Une femme qui a voulu la liberté et l’émancipation.

Les filles n’avaient rien à faire dans la rue, sur les places, dans les cafés dont les terrasses n’étaient occupées que par des hommes. Une fille qui se déplaçait devait aller d’un point A à un point B. Sinon, c’était une traînée, une délurée, une fille perdue. […] A l’adolescence, sont apparus rêves de fuite, désirs d’errance, de nuits sans chaperon et de rues où je serais une passante qui regarde les autres et qui est regardée. Parce qu’il m’était interdit, le mouvement est devenu pour moi synonyme de liberté. S’émanciper c’était sortir de cette prison qu’était la maison.

Le parfum des fleurs la nuit ?

C’est une expérience artistique qui l’amène à digresser sur sa vie et son enfance. C’est d’ailleurs de cette expérience que vient le titre de ce livre, le parfum des fleurs la nuit. Un artiste a décidé de faire pousser un galant de nuit. Mais il a tout fait pour inverser le cycle de la plante. La particularité de cet arbre ?

Je connais bien cet arbre. Au Maroc, c’est une plante familière, chantée par les poètes et tous les amoureux. Elle a pour particularité de dégager l’odeur la plus forte du règne végétal, et comme le datura, autre arbre qui enfant me fascinait, ses fleurs ne s’ouvrent que la nuit. Je songe que la nature a des tours étranges. Les fleurs n’apparaissent qu’une fois l’ombre venue, comme si l’arbre voulait préserver sa beauté, la garder secrète, ne pas l’exposer aux regards comme je rêve, moi aussi, de me tenir loin du monde. Son parfum est réservé aux heures nocturnes. Est-ce une façon de dialoguer avec les insectes la nuit ? Est-ce parce que c’est dans le noir que les parfums révèlent le mieux leur puissance, leur profondeur ?

Je prends rarement le temps de prendre des notes lors de mes lectures. Le fait d’avoir lu cet ouvrage sur liseuse m’a certainement facilité la tâche. J’ai rarement autant surligné de passage dans un texte. Des passages poignants, vibrants. Des passages qui témoignent de ce que Leila Slimani a pu vivre.

En si peu de mots, en si peu de pages, on perçoit toute la culture, la richesse et l’intelligence de cette femme. J’ai vu que ses précédents romans ne font pas forcément l’unanimité. On ne peut pas plaire à tout le monde. Mais une chose est sûre, je rajoute ses romans dans ma liste d’envie, juste pour voir.

Note : 4 sur 5.

Mes challenges

Cette lecture m’a permis de valider la catégorie 6 du challenge printanier. Un nom de métier dans le résumé (écrivain).

4 commentaire

  1. Tiens, je ne connais pas ce titre. Il m’intéresse.
    J’ai lu « Une chanson douce », mais ça n’a pas été un coup de coeur.
    J’ai préféré « Dans le jardin de l’ogre ».

    1. Merci pour ton retour. Je note le titre qui t’a le plus marqué.

  2. […] de m’arrêter pour noter une citation (cela m’est tout de même arrivé récemment avec Leila Slimani). Lorsque j’ai refermé ce bouquin, il était parsemé de post-its à divers endroits. […]

  3. […] à Le parfum des fleurs la nuit, la plume de Leila Slimani est plus épurée avec des phrases beaucoup plus courtes et rythmées. […]

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