Résumé
Zénon, personnage principal de l’oeuvre au noir est philosophe, médecin et alchimiste. Depuis sa plus tendre enfance, il tente de survivre dans un monde qui ne lui convient pas. Enfant illégitime, homosexuel et pauvre, il est difficile de s’épanouir librement dans un XVI è siècle opprimé par la religion et la bienséance.
En créant le personnage de Zénon, Marguerite Yourcenar ne raconte pas seulement le destin tragique d’un homme extraordinaire. C’est toute une époque qui revit dans son infinie richesse, comme aussi dans son âcre et brutale réalité ; un monde contrasté où s’affrontent le Moyen Âge et la Renaissance, et où pointent déjà les temps modernes, monde dont Zénon est issu, mais dont peu à peu cet homme libre se dégage, et qui pour cette raison même finira par le broyer.
Comme il est difficile de parler de ce roman sans rien divulguer, ne lisez pas au delà de » liberté et de connaissance » au risque de vous voir dévoiler la fin.
Mon ressenti
Une lecture complexe
J’ai bien failli ne pas aller au bout de ma lecture. Agacée de devoir sans cesse relire les phrases complexes de Marguerite Yourcenar, je ne prenais pas plaisir à lire ce roman. Puis, j’ai compris que lire ce type d’ouvrage, en fin de journée, fatiguée, n’était pas une bonne idée. J’ai donc cessé de le lire le soir, et m’y suis consacrée le matin et le midi, pendant ma pause repas (seule, COVID oblige).
J’ai alors pu apprécier la plume de l’auteure. Une plume épurée et classique, qui se concentre majoritairement sur la narration. Ainsi, la vie de Zénon nous est narrée de sa plus tendre enfance jusqu’à sa mort, tragique. Riche en métaphores, il faut un temps d’adaptation pour en comprendre toute la subtilité.
Je suis heureuse d’avoir persévéré car j’ai découvert un roman intéressant et philosophique. Ainsi, au travers de la vie de Zénon, nous avons une sorte de traité sur la liberté, le savoir et sur ce qui lient ces deux notions.
Liberté et de connaissance
Enfant illégitime, négligé par sa propre mère, Zénon ne connaît pas une enfance heureuse. En mal de liberté, il quittera rapidement sa famille pour se devennir lui-même. C’est également un personnage qui a soif de connaissance. Ainsi, il étudiera l’alchimie et la médecine. Souvent appelé Le philosophe par l’auteure, il veut s’émanciper des dogmes religieux, des croyances et superstitions, mais aussi des soifs de pouvoir. C’est un personnage en rupture avec son époque.
Il publiera un ouvrage sur ses idées philosophiques qui lui vaudra d’être pourchassé et recherché. Obligé de fuir, il part à Bruges, sa ville natale, où il va prendre une fausse identité et s’installer comme médecin. Après près d’une trentaine d’années, il sera reconnu et accusé de tous les maux.
Zénon finit sa vie enfermé, emprisonné. C’est alors pour lui le temps de faire une rétrospective sur sa vie et sa philosophie. Condamné à mort, il refuse d’appartenir à l’Eglise et utilise ses connaissances du corps humain pour se donner la mort. Son suicide nous est raconté patiemment, avec détails. Et pourtant, rien de morbide ou d’écoeurant, ce passage nous est décrit tel un professeur en médecine le décrirait à ses élèves.
La mort
Un des sujets omniprésent, selon moi, dans ce roman est la mort. De nombreux personnages trouvent la mort. Soit de manière naturelle, suite à une maladie, soit par condamnation ou encore par meurtre.
De même on peut imaginer que l’abandon de Zénon par son père, puis par sa mère est la première mort du personnage, la mort de son enfance. Les nombreux personnages dont Zénon fait connaissance finissent par mourir. C’est comme si cette liberté, tant recherchée par Zénon, ne peut vivre sans cette mort inéluctable.
La mort est d’ailleurs souvent associée à la liberté. Plutôt que donner sa vie à la religion, Zénon préfère se libérer en se suicidant. Une sorte de mort libératrice. En tant que médecin, Zénon a cotoyé la mort de ses patients, ce qui lui permet d’avoir un certain recul sur cette délivrance. Et Zénon, en tant que philosophe, se demande si malgré la mort de notre corps, notre âme continue de vivre. Ce sont d’ailleurs ses dernières pensées avant de trépasser.
Une analyse intéressante et exhaustive sur ce thème est disponible à cette page.
Quelques liens pour en savoir plus
L’oeuvre au noir : en alchimie, le Grand-Oeuvre est la réalisation de la pierre philosophale, substance hypothétique, qui permettrait de changer les métaux en or. L’oeuvre au noir serait la première étape, celle de la calcination, d’où la couleur noire. Il existe également l’oeuvre au blanc, au jaune et au rouge. Pour en savoir plus. Même si Zénon est alchimiste, ici le titre est symbolique et désigne « les épreuves de l’esprit s’épurant lui-même ».
Le livre édité chez Folio comporte les arnets de notes de l’auteur. Très intéressants, ces notes permettent de mieux comprendre l’oeuvre en elle-même. Marguerite Yourcenar nous propose même parfois une auto-analyse de ses écrits. De nombreuses analyses sont disponibles sur le net, en voici quelques unes qui ont retenu mon attention : http://profondeurdechamps.com/2013/03/25/lalchimie-de-loeuvre-au-noir-de-marguerite-yourcenar-une-interpretation/
https://www.yourcenariana.org/content/l%C5%93uvre-au-noir
Mes challenges
Cette lecture m’a permis de valider la deuxième catégorie BONUS du mois de janvier. Lire Marguerite Yourcenar.
Je valide également la catégorie 28 du challenge annuel. Un titre qui comprend 12 lettres.