La sorcière de Limbricht _ Susan Smit

Enfermée sans plus d’explications, Entgen Luijten ne peut compter que sur elle-même : elle n’a plus de famille et sait que personne ne se lamente sur son sort. Parce qu’elle préfère se rendre au bois qu’à l’église, parce qu’elle connaît le pouvoir des plantes qui soignent, parce qu’elle est un peu trop libre, elle a toujours fait jaser dans son village reculé de la campagne néerlandaise.

Dans l’attente de son procès, la voilà réduite à compter les jours dans l’étroit et glacial cachot du baron Van Breyll qui est prêt à tout pour obtenir des aveux spectaculaires. Mais malgré les fenêtres étriquées de sa cellule, Entgen se souvient des premières lueurs de l’aube qui embrasent l’horizon et de la lande qu’elle parcourait en compagnie des siens. Et si elle respecte la puissance de la nature, elle ne se soumettra pas à l’autorité du châtelain et compte bien faire entendre sa voix. Même si cela doit être la dernière fois.

Dès les premières pages, j’ai été happée par Entgen Luijten. Cette femme de plus de soixante-dix ans se retrouve enfermée pour sorcellerie en 1674. Depuis son cachot, elle raconte son enfance aux Pays-Bas. Sa mère catholique, son père qu’elle admire, et surtout sa grand-mère qui lui transmet le savoir des plantes. Indépendante et franche, Entgen refuse ainsi de se plier aux règles absurdes de son village. Mais ses prises de position ne plaisent pas et on l’accuse alors de sorcellerie. Elle doit alors affronter un procès cruel, avec des accusations allant de danser avec le Diable à empoisonner des animaux. Savoir que cette femme a réellement existé fait froid dans le dos.

Entgen est forte et fragile à la fois, digne et profondément humaine. Ses relations avec son mari, sa famille et sa fille reflètent des tensions universelles entre liberté et obéissance, amour et devoir. Elle ne trahit ainsi jamais ses valeurs, refuse de dénoncer d’autres femmes. Elle fait preuve d’une générosité et d’une sagesse rares. Et les souffrances qu’elle endure pour garder la tête haute lors de son procès en font vraiment une femme d’une détermination sans faille.

L’écriture de Susan Smit est superbe. Elle mélange poésie et réalisme, et nous plonge ainsi dans les paysages néerlandais. On a l’impression de marcher aux côtés d’Entgen, d’écouter ses confidences et de ressentir ses émotions. Ce mélange d’histoire et de souffle romanesque rend ainsi le livre instructif et profondément émouvant.

En refermant La sorcière de Limbricht, j’ai pensé à toutes les femmes qu’on a voulu faire taire pour leur indépendance et leur intelligence. Ce n’est pas seulement l’histoire d’une femme qui subit une condamnation injuste. C’est avant tout un hommage à toutes celles qui osent être elles-mêmes.

Note : 5 sur 5.

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